Les emblèmes de l'acupuncture

Le premier emblème qui jalonne de façon constante la pensée chinoise est le QI (prononcer « tchi »).

Traduit par souffle, mouvement, rythme, énergie qui tentent tant bien que mal de rendre compte de cette notion, le Qi est manifesté dans tous les cycles de la nature. Il est à l’origine de la naissance et de l’expression des êtres et des choses. Il est inconstant par essence. Il s’exprime par phases de tension, de croissance et d’expression et par phases de distension, de décroissance et de retrait.

Que le regard soit porté sur la nature ou sur l’être humain, il est là pour nous signifier que tout est mouvement et procède par cycles et par alternances, nuit et jour, saisons, sommeil et veille, inspiration et expiration, battements cardiaques…

Le deuxième emblème est constitué de deux termes inséparables, inconcevables l’un sans l’autre. C’est Yin et Yang.

Pour rendre compte des fluctuations du Qi, inconstant par essence, les phases de tension, de croissance et d’expression seront qualifiées de Yang et les phases de distension, de décroissance et de retrait seront qualifiées de Yin. Ces deux termes serviront à identifier les qualités différentes de tout phénomène ou objet de la nature ainsi que toutes les formes et les fonctions de l’être humain.

C’est à partir de l’alternance du jour et de la nuit, c’est-à-dire du mouvement apparent du soleil autour de la terre, donc du premier rythme fondamental, que naissent les emblèmes Yin- Yang. Envisagés comme une expression de la globalité, ces deux aspects sont inséparables et incomparables, inexistants l’un sans l’autre. Yin est emblème de l’espace obscur, vide, disponible de la nuit cosmique et Yang, emblème de l’orientation, du mouvement de la lumière et de la chaleur induites par le soleil.

Ainsi l’idéogramme « Yin » représente l’ubac, le versant à l’ombre d’une montagne. L’idéogramme « Yang » représente l’adret, le versant exposé au soleil.

Voyons comment ils sont conçus traditionnellement.

Le Tai Ji, diagramme bien connu et répandu, en est la représentation. Citons pour cela le Dr Eyssalet dans son livre « Les cinq chemins du clair et de l’obscur » : « pour nous rendre accessibles à l’invitation, à la contemplation incluse dans ce diagramme, il nous faut décrire le mode rituel selon lequel le peintre traditionnel doit en représenter l’image.

Disposant d’un cercle de bois, il le couvre totalement de couleur noire, signifiant ainsi que préalable à tout événement, énergie ou forme, existe un espace vide, immobile, obscur, totalement accueillant et condition « sine qua non » de toute manifestation, à la façon d’une mère ou matrice universelle. Cette nuit créatrice, nuit cosmique demeure la toile de fond, en elle-même insondable, diffuse, préalable à toute apparition-disparition. Le peintre plonge alors son pinceau dans la peinture rouge, et il en place l’extrémité au point le plus bas du cercle. Le peintre poursuit son mouvement orienté vers le haut et la gauche, étalant la peinture rouge sur une surface de largeur croissante selon une sinusoïde et dont l’étalement maximum est situé dans le haut du cercle. L’ensemble évoque la forme bien connue d’un curieux têtard rouge. C’est indirectement que la représentation de cette forme laisse apparaître la même, en noir, mais de disposition inverse. Au centre de la tête rouge, le peintre a laissé un petit cercle vacant, laissant apparaître le noir sous-jacent. Au centre de la tête noire, il a peint en couleur rouge un petit cercle de même surface qui apparaît donc en relief.

Cet ordre dynamique dans la représentation du Tai Ji a non seulement une valeur rituelle mais est représentatif de l’esprit qui la sous-tend. Yin, symbolisée par la couleur noire, n’est ni l’inverse, ni le contraire de Yang, symbolisée par la couleur rouge remplacée maintenant par la couleur blanche, et représente beaucoup plus que sa part complémentaire. Yang, rouge ou blanc,  apparaît et disparaît sur fond Yin, noir, ce qu’indique concrètement la représentation : sous la peinture rouge (ou blanc) il y a le noir.

De la même façon, le jour n’implique pas que la nuit disparaisse, puisque la lumière du soleil rayonne sur fond d’obscur, voilant les étoiles cependant présentes. Et lorsque nous disons que la nuit tombe, il s’agit bien plutôt d’une disparition du soleil qui laisse apparaître la nuit toujours présente et les étoiles à nouveau visibles.

Ici est exprimée la totalité, l’unité de tout ce qui arrive, rythmée par deux emblèmes en quelque sorte agglutinés, indissociables parce qu’impensables séparément.

Yang exprime la croissance, la profusion, la décroissance, le retour qui ne s’inscrit que sur la toile de fond,Yin.

Yin ne peut laisser apparaître l’espace vacant, immobile, obscur qu’il détermine qu’à partir de l’orientation, de la rythmique, de l’éclairage, signés Yang.

C’est seulement dans cette perspective qu’on peut imaginer une pensée du mouvement. Non seulement le Yin-Yang n’exprime ni des énergies différentes, ni des substances mais il ne peut en aucun cas être objectifié, substantialisé, enfermé dans des concepts selon le mode occidental. »

Le Yin-Yang est un des savoirs opératoires utilisé par les médecins acupuncteurs pour appréhender les fonctions psychophysiologiques de l’être humain, les causes et l’évolution des maladies, établir le diagnostic et traiter les pathologies.

Les principes du Yin Yang et des cinq éléments ou cinq mouvements (Wu Xing) sont un système visant à ordonner l’ensemble des phénomènes de l’univers macrocosme et du vivant.

Ils permettent de mettre de l’ordre et de fonder des correspondances entre les phénomènes naturels et humains, entre la nature et l’homme

Ils sont une représentation des cycles de la vie. Ils permettent d’analyser et comprendre les échanges constants entre les souffles qui maintiennent l’équilibre dynamique du Yin Yang nécessaire au développement de la vie.

Ces 5 éléments sont : le Bois, le Feu, la Terre, le Métal, l’Eau.

Ils sont orientés à la fois dans le temps et dans l’espace.

Chaque élément représente un mouvement des souffles (Qi) qui animent de façon spécifique les phénomènes de l’univers.

Le Bois : donne l’élan et fait jaillir, son mouvement pousse vers le haut et vers l’extérieur

Le Feu : se propage, se répand, son mouvement est l’expansion, la superficialisation.

La Terre : reçoit et distribue (elle reçoit un germe et le nourrit pour qu’il se transforme en plant), elle a un mouvement d’harmonisation, elle assure la cohésion des 4 autres éléments.                                 

Le Métal ramasse, condense l’énergie et l’abaisse, son mouvement ramène les souffles vers l’intérieur et le bas.         

L’Eau pénètre la terre, l’imprègne et la fertilise, son mouvement est de garder, thésauriser, enfermer vers les zones les plus profondes, c’est un mouvement de concentration maximale.                     

A chaque élément sont associées des correspondances : une couleur, une saison, un climat, un élément terrestre, une saveur, une partie du corps humain, une émotion…

Ainsi par exemple :

Le Bois est associé à l’est, l’aube, à l’organe fonction foie, la vésicule biliaire, l’ensemble du système musculo-tendineux, la mise en réserve du sang, l’œil, la vision, la colère.

Le Feu est associé au sud, à midi, à l’organe fonction cœur, aux fonctions d’assimilation de l’intestin grêle, à l’ensemble du système circulatoire artériel et veineux, la tactilité, la joie.

Le Métal est  associé à l’ouest, au crépuscule, à l’organe fonction poumon, aux fonctions d’élimination du gros intestin, au nez, au larynx, à la peau et à toutes les muqueuses, à l’odorat, la tristesse.

L’Eau est associée au nord, à minuit, à l’organe fonction rein, à la vessie, aux organes génitaux internes, au système neuro-hormonal, à  la physiologie osseuse, à l’audition, la peur.

La Terre est associée au centre, à l’organe fonction rate, à l’estomac, à l’ensemble du tissu cellulo-sous-cutané et adipeux, à  la bouche, la gustation, les articulations en général, la physiologie gastro-duodénale, la pensée.

Tous ces éléments sont en perpétuelle transformation et sont liés entre eux par deux lois principales :

  • la loi d’engendrement ou cycle Sheng
  • la loi de modération ou cycle Ke

La loi d’engendrement permet à un souffle de faire apparaître et de soutenir un autre souffle. Ainsi le Bois engendre le Feu, le Feu engendre la Terre, la Terre engendre le Métal, le Métal engendre l’Eau…

On obtient ainsi un équilibre qui pour éviter de s’emballer doit être modéré par un cycle de régulation, la loi de domination ou cycle Ke.

Ainsi :

 

  • le Bois domine la Terre
  • la Terre domine l’Eau
  • l’Eau domine le Feu
  • le Feu domine le métal
  • le Métal domine le Bois

Cette loi empêche normalement l’excès de puissance d’un élément.

Les Wu Xing ou cinq éléments constituent également un des savoirs opératoires utilisé par les médecins acupuncteurs pour appréhender les fonctions psychophysiologiques de l’être humain, les causes et l’évolution des maladies, établir le diagnostic et traiter les pathologies.